
Qui était Gauvain, le chevalier de la Table ronde ?
Gauvain, neveu du roi Arthur, est l’un des chevaliers les plus célèbres de la Table Ronde. Tour à tour héros valeureux, modèle de courtoisie ou figure déchue, il incarne la richesse et la complexité de la légende arthurienne à travers les siècles.
Pour résumer cet articles aux plus jeunes :
Personnage issu des traditions celtiques et associé à un héros solaire
Neveu du roi Arthur, cousin d'Yvain "le chevalier au lion" et chevalier de la Table Ronde
Il incarne des valeurs de la chevalerie mondaine comme la courtoisie et la bravoure
C'est un acteur central dans l’épisode du Chevalier Vert dans le château du roi Bertilak où il montre courage et faiblesse
Il a échoué dans la quête du Graal à cause de son manque de concentration et spiritualité
Il est mort dans un duel contre Lancelot, ce qui marque le début de la fin du royaume arthurien

Quelle est l'histoire du chevalier Gauvain ?
Avant d’aborder les faits marquants de la vie de Gauvain, il est essentiel de comprendre ses origines, sa place dans la cour d’Arthur et son rôle dans la tradition arthurienne à travers les siècles.

Origines familiales et place dans la légende arthurienne
Gauvain, ou Gawaine, est le fils du roi Lot d'Orcanie et de Morgause (ou Anna), la demi-sœur du roi Arthur, ce qui fait de lui le neveu préféré du souverain. Petit-fils d'Uther Pendragon et frère d'Agravain, Gaheris, Gareth et parfois Mordred, Gauvain est l'un des premiers chevaliers à siéger à la Table Ronde bien avant Lancelot du lac. Cousin d'Yvain, il a un rôle décisif dans sa relation avec Laudine, il pousse Yvain à rester à la cour pour accomplir des exploits et donc rompre la promesse faite à sa bien-aimée. Dans certains textes français il a également deux sœurs ainées nommées Clarissant et Soredamour. Il est considéré comme l'un des chevaliers le plus discret, mais n'en reste pas moins un chevalier important. Il est régulièrement comparé dans les textes à son oncle Arthur qui le considère même comme son héritier.
Il incarne les valeurs fondamentales de la chevalerie mondaine : la prouesse, l'amabilité, la joie de vivre et la courtoisie. Fidèle aux règles de l’honneur chevaleresque, Gauvain respecte toujours ses adversaires, même en plein affrontement. Il chevauche un destrier nommé Gringalet et manie avec assurance des armes légendaires, parmi lesquelles Excalibur, que son oncle Arthur lui confie en gage de confiance. Personnage admiré et honoré, il est fréquemment désigné par les titres de respect "Messire Gauvain" ou encore "Monseigneur Gauvain", preuve de sa renommée et du respect que le royaume lui porte.
Les origines et ancrages traditionnels du personnage
Le personnage de Gauvain semble puiser ses origines dans des traditions orales antérieures aux XIIᵉ et XIIIᵉ siècles, qui ont été reprises par les traditions celtiques, bien avant sa pleine intégration au cycle arthurien médiéval. On retrouve une première incarnation de ce chevalier sous le nom de Gwalchmei dans les triades galloises, où il apparaît comme un guerrier valeureux doté de qualités presque surnaturelles. Certains y voient un héros solaire, incarnation d’une force lumineuse et triomphante.
Au début du XIIᵉ siècle, Guillaume de Malmesbury mentionne un certain Walwen, probablement un ancêtre littéraire de Gauvain. Ce personnage, bien que peu détaillé, est décrit comme un combattant et représentant de l’opposition bretonne face aux Saxons. Il aurait trouvé la mort dans des circonstances mystérieuses et incertaines, après un naufrage ou suite à une trahison. Son tombeau légendaire, retrouvé sur la côte, mesurerait quatorze pieds, lui suggérant une taille gigantesque et renforçant son aura mythique.
C'est Geoffroy de Monmouth, peu après, qui l’intègre pour la première fois dans le cercle des compagnons du roi Arthur dans son Historia Regum Britanniae. Il devient un fidèle compagnon du roi Arthur, symbole de bravoure et de loyauté, mais sans véritable dimension spirituelle. Ce portrait héroïque va évoluer au fil du temps.

Son évolution dans la littérature médiévale
La perception de Gauvain évolue fortement dans la littérature médiévale. S'il est un héros central dans les premiers textes, son rôle se marginalise peu à peu.
Chrétien de Troyes, fait évoluer profondément le personnage de Gauvain dans son roman inachevée Perceval ou le Conte du Graal. Il apparaît à la fois séduisant et courtois, toujours en quête d’aventures mondaines, mais incapable de comprendre les exigences mystiques liées à la quête du Graal. Là où Perceval s’oriente vers une révélation spirituelle, Gauvain demeure attaché à l’image du chevalier galant, élégant mais superficiel.
Dans les livres en prose du XIIIe siècle, il devient le symbole d'une chevalerie dépassée, attachée à l'apparence, à la gloire et à la sensualité. Des livres comme Le Chevalier à l'épée dépeignent un Gauvain vaniteux et tourné en ridicule. Dans des œuvres antérieures comme Tristan en prose, il apparait même comme un personnage instable jusqu'à être même un antagoniste.
Toutefois, cette image n’est pas universelle : la littérature anglaise du XIVᵉ siècle (notamment Gauvain et le Chevalier Vert, Le Turc et Gauvain, ou Golagrus and Gawain) tente de réhabiliter le personnage, en explorant sa bravoure, sa fidélité et ses dilemmes moraux.
Tandis que d’autres, en revanche, le décrivent sous un jour plus critique, parfois même moqueur, le présentant comme un personnage frivole ou dépassé. Alors que les littératures allemande et anglaise s’efforcent parfois de redorer son image, une partie importante des romans français insistent sur ses faiblesses humaines et son inadaptation au monde chevaleresque et sacré.
Gauvain se retrouve toujours au cœur d'un sujet très présent dans la mythologie celtique et que l'on retrouve dans la légende arthurienne : la souveraineté, est-il l'héritier légitime du trône à la mort d'Arthur ?

Gauvin, le chevalier du soleil
Sire Gauvain est souvent décrit comme l'exemple parfait du chevalier courtois : il est généreux, courageux, loyal et serviable. Surnommé "le soleil de la chevalerie" ou "la fleur de la chevalerie", il est reconnu et apprécié pour son souci de l'honneur, sa maîtrise au combat et sa capacité à secourir les demoiselles en détresse, comme son cousin et fidèle ami Yvain. Une caractéristique associée à des mythes indo-européens l'entoure : sa force atteint son apogée à midi, puis décline avec le soleil jusqu'à la tombée de la nuit.
Cette force surhumaine lui aurait été donnée à sa naissance, par une sorcière. Elle lui est particulièrement utile dans l’épisode Le Chevalier à la Charrette, lorsqu’il tente de sauver la reine Guenièvre. Sur son chemin, en choisissant le "Pont sous l’eau", il suit symboliquement la trajectoire nocturne du soleil tandis que sa naissance solaire et caniculaire l’empêcherait de se noyer.
Un personnage accumulant exploits, relations et échecs
Pour mieux saisir la richesse du personnage de Gauvain, il convient maintenant d’examiner les hauts faits de sa carrière, ses épreuves personnelles, ainsi que ses relations sentimentales et familiales.

Quels sont les exploits du chevalier Gauvain ?
Gauvain est présent dans de nombreux livres, où il accomplit des exploits notables : il sauve des jeunes filles emprisonnées, libère le "château des reines", franchi le Gué perilleux et combat des géants et des chevaliers redoutables. Il est selon la légende, le premier chevalier à avoir siégé à la table ronde.
Toujours prêt à aider les jeunes femmes, il combat notamment pour la Jeune Fille aux Manches Etroites, cadette du roi Thiébaut, en allant combattre l'ami de sa sœur, Méliant de Lis, dont elle est jalouse. Les deux chevaliers s'affrontent vaillamment lors d'un tournoi, d’abord à la lance puis à l’épée, sans qu’aucun ne parvienne à prendre l’avantage. Leur duel, marqué par le respect, témoigne de leur bravoure et de leur maîtrise. Admirant la noblesse de Gauvain, Méliant abandonne le combat, et tous deux se réconcilient dans l’amitié.
Au cours de ses aventures, dans Perceval ou le Conte du Graal, Gauvain découvre le château de la Merveille où trône un lit à l’apparence ordinaire. Mais quiconque s’y allonge déclenche un piège redoutable : le lit se met à trembler, des clochettes retentissent, et une pluie de projectiles mortels tombe du plafond. Gauvain, loin de fuir, affronte l’épreuve avec courage. Il résiste aux attaques magiques, puis terrasse un lion surgissant pour l’achever. Grâce à sa vaillance, il brise le maléfice qui pesait sur le lieu. Le lendemain la reine du château décrite avec des tresses blanches, sa fille et sa petite-fille, viennent saluer le héros et le remercier de les avoir délivrées.
Dans la quête de la biche blanche son courage est mis en lumière face aux dangers, sa loyauté envers le roi Arthur ainsi que son sens de la justice lorsqu’il doit choisir entre sauver des innocents ou poursuivre sa mission, ce qui font de lui un chevalier honorable.
Sir Gauvain et le Chevalier Vert
Le célèbre épisode du Chevalier Vert met à l'épreuve sa loyauté, son héroïsme et ses failles morales. Lors d’un banquet, Gauvain relève un défi lancé par un étrange chevalier vert : le décapiter, avec promesse de recevoir le même coup un an plus tard. Un an après, en route vers la Chapelle Verte, il séjourne chez un seigneur nommé Bertilak dont l’épouse tente de le séduire. Gauvain cède partiellement à la tentation mais l'avoue à chaque fois. Il ment cependant sur un point : il garde secrètement une ceinture magique offerte par la dame.
Face au Chevalier Vert, révélé comme Bertilak ensorcelé par la fée Morgane, Gauvain reçoit trois coups symboliques : deux légers pour sa sincérité, un plus fort pour la dissimulation de la ceinture. Honteux, il décide de porter la pièce d’étoffe comme souvenir de sa faiblesse.

Caractéristiques de Gauvain : un chevalier destiné à l'échec
Dans les romans en prose français, les pouvoirs et qualités héroïques initialement attribués à Gauvain sont progressivement transférés au personnage de Lancelot, reléguant Gauvain à un rôle secondaire et le confrontant à plusieurs humiliations.
Dans La Queste del Saint-Graal, il est le premier à manifester son enthousiasme pour la quête du Graal. Toutefois, il est considéré comme un peut-être trop humain, représentant une "chevalerie mondaine", ce qui le mène à l'échec. Il échoue dans les épreuves spirituelles notamment lors de la cérémonie du Graal, incarnant ainsi l'opposé du chevalier spirituel Galaad.
Dans certains textes, son approche de la quête est plus chevaleresque que mystique, ce qui l'empêche de percevoir la véritable nature du Graal et ne suffit pas à guérir la Terre Gaste. Chez Chrétien de Troyes, Gauvain, comme Perceval, atteint le château maudit du Roi Pêcheur et assiste à une cérémonie énigmatique autour du Graal. Cette scène est une épreuve décisive : en posant des questions, les chevaliers peuvent délivrer le roi de sa souffrance et restaurer son royaume, devenu stérile et désertique.
Gauvain interroge sur une lance ensanglantée, ce qui suffirait à libérer provisoirement le pays de sa malédiction. Toutefois, lorsqu’apparaît le Graal, son attention se détourne vers la jeune fille qui le porte (dans Pelesvaus, c'est les trois gouttes de sang versée par la lance qui le distrait) et qui le laisse silencieux. Ce silence l’empêche d’accomplir pleinement sa mission : le Roi Pêcheur ne guérit pas, et Gauvain ne découvre pas le secret du Graal.
Relations amoureuses et descendance
Gauvain est souvent dépeint comme un chevalier charmeur, charismatique, multipliant les aventures amoureuses sans jamais s'engager. Bien qu’il ressente de l’attirance et vive plusieurs passions, il ne se marie jamais. Parmi ses conquêtes, on trouve Luned, suivante de la fée Laudine, envers qui il manifeste un attachement sincère sans que cela mène à un engagement. D’autres figures féminines jalonnent son parcours, telles que Idain ou la fille du roi de Galles.
Dans certaines œuvres, cette réputation de séducteur finit par être tournée en ridicule. Dans Le Chevalier à l’épée, son image de séducteur est brisée : abandonné par sa compagne partie avec un autre chevalier, Gauvain se retrouve seul, n’ayant pour compagnons fidèles que ses chiens, accentuant son humiliation.
Malgré cette instabilité affective, Gauvain est parfois présenté comme le père de plusieurs enfants issus de ses aventures. Il aurait eu Lionel, aussi connu sous le nom du Bel Inconnu, né d'une union avec la fée Blancemal, ainsi que Beaudous dont la mère serait une jeune femme galloise, et Guinglain. Dans certains récits, le destin l’amène à affronter ses propres enfants sans en connaître l'identité, jusqu'aux révélations révélant les liens familiaux de cette famille dispersée.

Pourquoi Gauvain se fait-il tuer par Lancelot ?
La tragédie de Gauvain s’inscrit dans le dénouement dramatique opposant Arthur à Lancelot du Lac. Lorsque Lancelot tue accidentellement Gareth et Gaheris (les frères de Gauvain) en tentant de libérer la reine Guenièvre, Gauvain, dévasté par le chagrin et animé par la colère, pousse Arthur à entrer en guerre contre son ancien ami.
Animé par un désir de vengeance, il tue deux proches de Lancelot, Lionel et Hector de Mares, avant de défier ce dernier dans un duel acharné. Gauvain subit une grave blessure à la tête et meurt quelques jours plus tard. Selon les traditions, les circonstances de sa fin varient : dans La Mort d’Arthur de Thomas Malory, il est tué par Mordred, tandis que dans la version française du même récit, c’est Lancelot qui lui donne le coup fatal.

Une figure secondaire mais persistante
Dans la culture contemporaine, Gauvain reste présent mais souvent en retrait. Il n'apparaît en personnage principal que dans le récit, qui le fait connaitre, Sire Gauvain et le Chevalier vert écris au XIVème siècles. Dans les autres textes médiévaux, il est relégué à des rôles en arrière-plan, à l'ombre de figures plus populaires comme Merlin, Morgane, Lancelot ou Perceval.
Ainsi, bien qu’il participe à des épisodes majeurs de la légende arthurienne, comme lorsqu’il part à la recherche de la reine Guenièvre enlevée par Méléagant : si Lancelot est celui qui la retrouve, c’est Gauvain qui la raccompagne jusqu’à son mari, le roi Arthur.
Son rôle demeure discret aux yeux du public moderne. Il est perçu comme un chevalier de fond, toujours présent, mais rarement marquant.
Gauvain est un chevalier à la fois brillant et faillible, symbole d'une chevalerie humaine tiraillée entre gloire terrestre et quête spirituelle qu'il ne peut atteindre. Héros solaire, neveu fidèle du roi Arthur, il incarne à la fois la noblesse chevaleresque et ses limites. Malgré ses échecs et son rôle parfois secondaire, sa figure reste essentielle à la richesse et à la profondeur de la légende arthurienne.